El sofa

Episode 3 : Comprendre le vivant proche de nous

Pour ce troisième épisode de El Sofa, nous accueillons Quentin Travaillé à l’initiative du projet “La vie partout” un média d’éducation et de sensibilisation au monde vivant. Avec lui, nous avons abordé sa passion pour les écosystèmes qui nous entourent ainsi que la place de l’humain dans cet équilibre.

Anne Maurer
March
2024

À travers El Sofa, Bloomr interroge chaque mois une personne qui a choisi de s’engager, à sa manière, pour construire une société plus juste et plus durable. À travers cette interview d’une vingtaine de minutes, nous souhaitons partager son parcours de vie et ses engagements afin de nous inspirer et de nous pousser à agir à notre échelle.

Qui es-tu ?

Je m’appelle Quentin Travaillé. J’habite dans les Pyrénées. Je m’y suis installé il y a cinq ans, après avoir travaillé dans la communication sur les réseaux sociaux, principalement à Paris.

Depuis tout petit, je suis fasciné par le monde du vivant. J’ai donc trouvé une technique pour en faire mon quotidien en alliant mes compétences en communication et mes connaissances en biologie. C’est comme cela, qu’il y a trois ans, j’ai créé “La vie partout”.

Peux-tu nous parler un peu plus de “La vie partout” ?

La vie partout, c’est un projet qui existe essentiellement sur Instagram. Il est également disponible sur TikTok, et YouTube, mais de manière plus anecdotique. Il se décline aussi sous forme de podcast et de newsletter.

Le but de ces différents supports est de comprendre le vivant qui est proche de nous. Cela peut concerner tout et n’importe quoi : les différents arbres, les plantes comestibles ou médicinales, comment attirer certaines d’abeilles ou certains pollinisateurs, etc.

La création de ce projet fait suite aux incendies qui ont eu lieu en Australie en 2019. J’ai été très surpris par l’émotion que ces incendies ont suscité, non pas que ce ne soit pas horrible. J’ai simplement été frappé du décalage entre les réactions liées à ce désastre et les catastrophes qui touchent nos écosystèmes proches. J’en ai déduit que cela était lié au manque de connaissance et d’attention sur nos milieux de vie.

En effet, je me suis rendu compte qu’on documentait beaucoup la grande barrière de corail, les koalas, la savane, la forêt amazonienne, comparativement au vivant commun qui est tout aussi passionnant quand on s’y intéresse un petit peu. Je pense que ces sujets méritent le même regard que ce qui se passe dans l’autre hémisphère.

J’ai donc créé un format sur la nature qui nous entoure en essayant d’éveiller la curiosité des personnes. Plus généralement, je traite des questions que nous ne nous posons pas vraiment, mais qui nous interrogent. Le but est que quand l’on voit la question, on se dise : “Ah oui tiens, j’aimerais savoir ça”.

Peux-tu nous expliquer comment tu es revenu à ton rêve d’enfant ?

Quand j’étais au lycée, j’avais des facilités dans tout ce qui était biologie, mais j’étais plutôt “une quiche” en physique-chimie. J’ai tout de même suivi une filière scientifique parce que mon idée était de me consacrer à la recherche. Malheureusement, ça ne s’est pas fait. Quand j’en ai parlé aux personnes qui m’entouraient, ils m’ont répondu : “ Si tu veux faire de la recherche, tu vas devenir chômeur”. Lorsque tu as 16 ans, tu te dis que ce n’est pas le plan idéal. Par la suite, j’ai eu du mal à m’orienter puisque ce qui m’animait n’avait pas l’air d’être assez bien.

J’ai donc commencé des études de médecine pour que l’on me laisse tranquille, mais je n’ai pas tenu plus de deux mois. Je me suis plutôt lancé dans un blog sur la musique, qui m’intéressait beaucoup plus. Cette expérience m’a permis de me rendre compte de mon goût pour la communication et m’a amenée à m’orienter vers la publicité. En y travaillant, j’ai réalisé assez vite que ce n’était pas trop un secteur qui me plaisait. Il fallait donc que je trouve une solution pour en sortir.

À cette époque, je me suis mis à consommer beaucoup de contenus sur Youtube et je me suis dit que j’adorerais créer des formats vidéo. Toutefois, je voulais lancer un projet de vulgarisation sur un sujet qui n’était pas traité. Cela a pris du temps, il a fallu que je murisse l’idée et que je trouve une situation viable pour me pencher sur ce nouveau projet. J’ai eu la chance d’avoir le chômage, un projet freelance qui fonctionne et la covid en même temps. C’était formidable, car j'ai pu dégager beaucoup plus de temps que prévu.

C’est à la suite de ma formation en permaculture en 2019 que m’est venue l’idée de traiter du vivant proche de nous. Je sentais qu’il y avait un besoin de se reconnecter avec ce qui nous entoure qui se conjuguait avec un manque de connaissance généralisé sur ces sujets. Étant donné que j’expliquais bien les choses et que j’avais acquis beaucoup d’expérience en communication digitale, j’ai décidé de faire des contenus sur les réseaux sociaux pour présenter aux gens des vidéos sur les bourdons, par exemple.

Pourquoi as-tu choisi un format basé sur la découverte et l’émerveillement ?

Je ne pense pas que ce soit plus efficace. Il y a deux jours, j’ai entendu Marc-André Selosse s’exprimer à ce sujet. Il disait que les scientifiques depuis 40 ans ont opté pour la pédagogie pour éviter l’effondrement de la biodiversité, mais c’est un échec. Il n’y a pas plus d’action. Les personnes qui savent de quoi nous dépendons choisissent de détourner le regard. Mais pour autant, est-ce qu'allumer des feux partout implique que nous saurons quel feu éteindre ?

Selon moi, il faut trouver le bon équilibre. Je ne pense pas que ce soit bien de baigner dans l’alerte tout le temps. Cela crée souvent une sidération. Néanmoins, je suis convaincu qu’il faut des alertes. Il faut du contenu, conséquent, étayé, argumenté qui propose des solutions pour compléter le parcours qui est : “je suis alerté, je ne sais pas quoi faire, je me renseigne et je passe à l’action”.

J’ai donc choisi l’émerveillement parce que ce qui nous entoure est effectivement merveilleux.

Les gens qui aiment déjà le vivant sont déjà informés donc il est inutile de les acculer de messages alarmants.

Être aux premières loges de l’évolution des écosystèmes naturels ne te rend pas trop anxieux ?

Non, ça me rend triste, mais pas spécialement anxieux. Je l’étais beaucoup quand je n’étais pas dans l’action.

Puis, j’ai éteint les infos, je me suis désabonné de tous les supports qui sont alarmistes pour pas grand-chose. Je considère que je suis déjà au courant et in fine ça ne sert à rien d’être anxieux. Je ne veux pas me retrouver à 60 ans à me dire : “ Ah, je n’ai rien fait, car j’avais peur.”

Qu’est-ce qui te fascine autant avec le monde du vivant ?

À peu près tout. C’est dingue que le printemps revienne toujours, l’alternance des fleurs, l’harmonie créée par les espèces lorsqu’on laisse un écosystème s’exprimer, puis les formes d’adaptation. Tout est constamment mouvant pour rester pareil.

Nous ne nous rendons pas compte à quel point c’est impressionnant ! Les plantes se nourrissent de soleil ! Il y a un seul type d’espèce qui permet à toutes les autres de vivre, ce sont les plantes, car elles sont capables de transformer le soleil en matière organique. Je trouve ça formidable !

Il y a une vraie beauté dans cet équilibre. Il y en a qui pour se vider l’esprit voyagent et changent de décor alors qu’il y a possibilité de faire un voyage immobile, ici. Je mettrai au défi quiconque de trouver de l’ennui en regardant tout ça.

Est-ce que tu peux nous parler de la notion d’harmonie ? Quelle est la place de l’humain dans cet ordre-là ?

C’est sûr que dans notre société de consommation, en ville, c’est dur de trouver un sens à notre existence. On le voit déjà plus dans un jardin.

Par exemple, dans certains espaces de la forêt amazonienne, il y a beaucoup plus de diversité de plantes du fait de la présence humaine. La main humaine a donc démultiplié la diversité.

Il n’y a pas les humains d’un côté et la nature de l’autre, mais nous en sommes une partie intégrante. Nous sommes ce que l’on appelle une espèce ingénieure comme peuvent l’être les castors qui créent des écosystèmes pour eux, mais qui servent à d’autres espèces ou les pics qui creusent des trous pour se nicher dans les arbres qui seront également utiles à une trentaine d’espèces différentes.

Nous, nous sommes plus nombreux. Nous avons un impact encore plus fort que ces espèces-là, mais ça ne veut pas dire que c’est mal. Je trouve que nous avons la possibilité de vivre en communion et solidarité avec les autres espèces.

Par exemple, si je rénove une maison, je peux anticiper les conséquences de cette action sur la biodiversité. Il y a peut-être des oiseaux qui nichent dans les combles depuis des années, refaire sa maison peut donc détruire leurs lieux de vie. Le roncier au fonds du jardin, est-ce qu’il y a vraiment un intérêt à le détruire ? Si nous entendons des oiseaux chanter tous les printemps, c’est aussi parce que dans ce roncier il y a de quoi nicher.

Nous vivons sur un territoire que nous devons partager avec d’autres espèces. En tant qu’humain, nous avons la compétence d’organiser les choses donc il est important de tenir compte des autres dans cette tâche.

Notre existence a-t-elle un sens ? Si oui, lequel ?

J’allais dire une phrase bateau : si la vie a un sens, c'est celui qu’on veut lui donner. Mais plus que ça, je pense que le sens de la vie serait de tendre à être heureux le plus possible. Cela est différent du simple plaisir. Nous confondons souvent les deux. Nous assimilons qu’une accumulation de plaisirs correspond au bonheur. Je ne suis pas forcément d’accord avec cela. Parfois, même souvent, ce n’est pas en ayant beaucoup que nous le sommes vraiment.

Si la vie vaut le coup d’être vécue, c'est parce que c’est joli, il y a pleins de choses qui s’y passent.

Plus précisément, je pense qu’une chose qui rend réellement heureux, c’est d’être dans un écosystème qui est plein. S’il y a de nombreuses personnes qui partent à l’autre bout du monde pour voir la nature “qui est vraiment incroyable là-bas” c’est qu’ils cherchent ce bonheur sans le savoir.

On vit dans un pays qui est incroyable où il y a plusieurs types de montagnes différentes, d’âges différents, des fleuves majeurs, des plaines, des collines, des volcans, des zones granitiques, des zones avec du calcaire, des zones arides. Nous sommes baignés par l’océan Atlantique, la Manche, la mer du Nord, la Méditerranée. C’est dingue comme pays ! Le vivant y est un des plus foisonnants et plus incroyables au monde !

Est-ce que tu peux nous partager quelques références culturelles qui ont inspiré ton engagement ?

Quand j’étais petit je regardais “Microcosmos” et je pense que c’est pour cela que je me suis passionné pour les insectes, ou peut-être l’inverse.

Ensuite, j’ai adoré “La Salamandre” qui est un magazine suisse qui a été lancé par un certain Julien Perrot quand il avait 14 ans. Le magazine existe toujours et la démarche est incroyable. C’est un format qui se décline en trois versions : une enfant, une adolescent et une adulte. Ce qui me plait particulièrement est la présence de cet émerveillement et cette expression du monde.

Merci beaucoup Quentin de nous avoir dévoilé qui était la personne derrière La vie partout ! Hâte d’écouter tes nouveaux podcasts, de regarder tes nouvelles vidéos et de comprendre avec toi la nature qui nous entoure !

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